Prix FEMS | Peinture | 2020La pensée avant d’être oeuvre est trajet (Michaux)

Achim Schroeteler

Peindre sans garde-fou. Voici ce que l’artiste Achim Schroeteler a proposé au jury du Prix FEMS. Mû par le désir de peintre les ondulations d’une dune en plein désert, l’artiste a entrepris un périple à vélo de plusieurs mois, avec quelques règles simples: rouler tous les jours, peindre trois heures par jour, commencer à peintre à midi à l’endroit où il se trouve. Mettre en place l’atelier, ouvrir le panneau de bois, fixer le panneau… Achim Schroeteler a inventé une peinture en itinérance dans laquelle le mouvement est toujours synonyme de transformation et d’intensité.

18.03.1960 : Geboren in Mönchengladbach, Deutschland

Seit 1989 Wohnhaft in der Schweiz

2005-2007

Studiengang Ästhetische Erziehung, HGK Luzern, Diplom

2002–2005

Studiengang Bildende Kunst, HGK Luzern, Diplom

1999–2001

Berufsbegleitender Vorkurs, HGK Zürich

2019

  • Sisyphonie für Laub und Bläser, Installation in Zusammenarbeit mit René Habermacher, Galerie Hochformat, Luzern
  • Der frühling ist nah, Zeichnungen, RAUM_, Emmenbrücke
  • Bereit für vögel zu hause, Malerei, Galerie ductus, Luzern
  • Wo die Milane kreisen, Installation : alles in ruhe als ob nichts wäre, Ganterschwil/SG
  • Zentral Wäscherei Zürich, adapt or die, eine Waschung, Installation, Zürich
  • Wie gedruckt, Monotypien u. Holzdruck, akku, Emmenbrücke
  • Treffpunkt Küche, Installation in Zusammenarbeit mit René Habermacher, B74, Luzern
  • Veränderung und Verantwortung, Zeichnungen in Zusammenarbeit mit Thomas Aregger, FH-Campus Wien
  • Ein Kind unserer Zeit, Ödön von Horvath, Zeichnungen nach dem Stück, Kleintheater Luzern

2018

  • Alles in ruhe als ob nichts wäre, Installation, M1, Adligenswil
  • Schöne tage 3, Malerei, Villa auf Musegg, Luzern
  • 13 Nägel, Ausstellungsraum k25
  • Kooperation als Gegenentwurf zu Konkurrenz, Malerei, FH Campus Wien
  • PRIME CUTS UND DIE PAPIERKÖRBIN, Tart Gallery, Zürich

2017

  • Impressionen 2017, Kunsthaus Grenchen
  • Sind wir das der moderne mensch ?, K25 Ausstellungsraum K25, Luzern
  • TEXTUR wenn worte bildern, Installation in Zusammenarbeit mit Ursula Hildebrand, K25 Ausstellungsraum, Luzern

2016

  • 2. Triennale, sculptures sur le campus, Lausanne
  • Einige Nachrichten an das All, Zeichnungen, Südpol, Luzern
  • Zeichen, Ausstellungsraum K25, Zeichnungen, Luzern
  • Skulpturenpark, Mörfelden/Frankfurt, D
  • OnArte, Transito nel Centro, Minusio/TI
  • Aktuelle Kunst 2016, Kunsthaus Zofingen

2015

  • druckkammer, Ausstellung : 8, Radierungen, Zürich
  • Impressionen 2015, Kunsthaus Grenchen
  • 6. Schweizerische Triennale der Skulptur, Bad Ragaz
  • Dashboard, Kunsthalle, LUZERN PLATZT
  • 20. Skulpturenwoche, Brunnen

2014

  • Holzdruck, Galerie, K25, Luzern

2013

  • Sculptures sur le Campus, Triennale Lausanne
  • Pekingente, Installation, Karlsruhe, D
  • Seifenbaum&Wolkenbrot, Skulpturenpark Villa – Flora, CH

2020

FEMS, Fondation Sandoz, Lausanne Preis für Malerei

2016

Publikumspreis, Skulpturenpark Mörferlden, DE

L’expérience du monde

« La pensée avant d’être œuvre est trajet »

Extraits de la présentation du projet d’Achim Schroeteler
Je me sens proche de Michaux. Je vis sa vision du mouvement dans ma peinture gestuelle, et cette vision est le point de départ de mon projet FEMS : le mouvement est transformation et intensité. […] J’oscille entre différents formats. C’est important pour moi. Les petits formats m’aident à m’orienter, les grands à perdre parfois l’orientation. […] Je veux résister à la tentation de peindre l’identifiable, tout garder en suspens le plus longtemps possible, rester ambigu. […]

J’essaie de peindre contre ma propre convention, peindre est alors comme retourner à l’état sauvage.

L’expérience du monde. Le monde comme atelier.

Je structure le projet en deux étapes.

La première étape est la période du mouvement, des découvertes, de la recherche, des rencontres et des images trouvées. Elle dure huit mois.

La seconde étape est consacrée au traitement pictural des expériences et dure quatre mois.

Je veux partir peindre en Afrique avec mon vélo, mes toiles, pinceaux et couleurs. Tous les jours à midi, je commencerai à peindre à l’endroit où je me trouve : dans un village ou une ville, dans des déserts ou en forêt. Mon projet est de peindre en public, au cœur des regards. C’est un acte que j’accomplirai par tous les temps et dans diverses zones climatiques. Soleil, pluie, vent, zone urbaine ou étendues de sable.

Mes trajets quotidiens en vélo et peindre seront des moments de méditation. Le vélo un espace de réflexion, une synapse entre l’extérieur et moi.

Se déplacer à vélo signifie accorder peu d’importance au confort. Au lieu de cela je découvre sans filtre et intensivement des cols, des descentes, le temps, le paysage et les gens. En tant que cycliste, je suis fortement exposé à tout élément extérieur. Je voyage parmi les gens sans masque, recherche la communication avec eux tout comme avec le paysage. Les perceptions de la réalité immédiate se multiplient.

Comment les différents espaces et rencontres modifient-ils mes tableaux ? Comment la peinture se modifie-t-elle si j’observe des régions arides ou luxuriantes ? Comment est-ce que je peins lorsque je suis dans des zones isolées, et comment dans des zones urbaines surpeuplées ? Le code de l’espace me fournit-il de nouveaux contenus ? Qu’est-ce que je choisis ? Quel but poursuit la peinture mobile ?

Le mouvement de ma peinture gestuelle est accompagné et propulsé par un mouvement beaucoup plus grand généré par le mouvement quotidien, le déplacement constant. Je dois m’affirmer dans l’espace. Il faut du courage pour dire : bon, c’est ici parmi vous que je déballe mes affaires et peins ! La force de cette décision est visible sur la toile. Choisir ce style de vie signifie tout réduire à l’essentiel. Je choisis de manger, de boire, de dormir, de me déplacer et de peindre. Le changement constant de contextes culturels, les découvertes incessantes, les interactions humaines et la confrontation permanente et quotidienne avec la peinture créent un état d’urgence, qui intensifie et radicalise ma peinture. Je peins au-delà de mes limites, derrière mes conventions. Je peins sans garde-fou, je peins du neuf. […]

Mon atelier mobile se trouve dans la remorque de mon vélo. Il se compose d’un panneau en bois pliable, de 24 toiles enduites dans les formats 50×45 cm et 120×100 cm. Le panneau en bois me sert de chevalet. Aux toiles s’ajoutent des tissus que j’achète sur place. Les toiles à peindre sont roulées dans des tubes en bois à fermeture étanche. L’atelier comprend aussi 10 litres de peinture acrylique (couleurs primaires et secondaires), des pinceaux, des récipients, du fusain et des chiffons. Il contient en plus des bâches et des montants en bois pour construire un abri contre la pluie. La tente, le sac de couchage et les ustensiles de cuisine sont rangés dans les sacoches du vélo.

  1. Je roule tous les jours.
  2. Je peins trois heures par jour.
  3. Je commence à peindre à 12 heures. Je peins à l’endroit où je me trouve à cette heure.
  4. Mise en place de l’atelier. Ouverture du panneau de bois. Fixation du panneau.
  5. Je fais des esquisses et trouve le motif du jour.
  6. J’écris et j’esquisse sur la toile au fusain, puis je commence à peindre à l’acrylique diluée.
  7. Je peins simultanément sur deux formats différents.
  8. Je photographie le motif et les peintures, me constituant ainsi des archives consultables à tout moment.
  9. Temps de séchage et emballage.
  10. Au bout de cinq jours de travail, je me repose deux jours dans un lieu à l’abri des regards et réfléchis aux tableaux peints les jours précédents :
    • Dialogue avec l’œuvre : notes de type journal intime sur la transformation : extérieur-intérieur-extérieur
    • Analyse du motif : existe-t-il un système pour appréhender l’extérieur en peignant, le motif, la couleur, la forme ?
    • Analyse de l’influence des mots sur les images.
    • Retouches et suites éventuelles des tableaux en cours.
  11. Au bout de 20 jours de travail, j’expose tous mes tableaux à l’endroit où je me trouve à ce moment donné. Je les colle sur des murs, les suspends à des ficelles ou les pose dans le sable et les leste avec des pierres. C’est une exposition improvisée dont le but est de créer un espace de rencontre. Les tableaux sont des aimants qui attirent les conversations, l’échange, le partage avec d’autres personnes.
  12. Les règles ci-dessus sont là pour être brisées si des circonstances particulières l’exigent.

Le voyage commence à Lucerne puis traverse l’Espagne jusqu’au Maroc. Je roule sur la côte occidentale de l’Afrique en direction du sud – à l’extrémité du monde – à travers la Mauritanie, le désert de pierres du Sahara occidental jusqu’au Sénégal. À Dakar, où le Cap-Vert se profile à l’horizon, point ultime de la traversée de l’Atlantique, mon voyage se dirigera alors vers l’intérieur de l’Afrique !

Plus tard, je prendrai l’avion à Dakar pour Tunis via Casablanca. Puis à Tunis un ferry pour Palerme en Sicile, et ensuite Lucerne ne sera plus très loin ! J’aurai voyagé ainsi pendant huit mois pour parcourir quelque 12.000 km en traversant plusieurs zones climatiques.

C’est peindre sans tour d’ivoire, sans structure connue, sans environnement familier. C’est peindre dans des contextes totalement différents et excitants. Peindre les ondulations d’une dune par 40°C au milieu du désert est une expérience extrême dont l’intensité bénéficie à la peinture. La chaleur me change et change ma peinture, et le sable se retrouve de toute façon sur la toile. C’est précisément la folie de ces entreprises que je recherche et qui me procure du plaisir.