Prix FEMS | Peinture | 2024Jardins, fleurs, herbiers
Apnavi Makanji
Le projet d’Apnavi Makanji porte l’ambition de raconter l’histoire de la renouée du Japon, de ses origines asiatiques à son arrivée en Europe, passant de plante appréciée pour ses vertus médicinales à espèce invasive. L’idée est belle, ambitieuse: celle d’épuiser un sujet, de la racine à la fleur, de creuser, de chercher, avec une volonté non dissimulée d’exhaustivité. Sous la forme d’une série d’œuvres sur papier grand format, l’artiste entend rendre compte de ses recherches en y déployant un langage visuel singulier, à la fois extrêmement précis et d’une intense poésie, engendrant ainsi une réflexion complexe où dialoguent l’art, la politique et l’écologie.
Une enquête qui prendra des allures de quête. Refaire le chemin migratoire de la renouée du Japon, faire le voyage à rebours, remonter aux origines. Le projet d’Apnavi Makanji propose d’explorer avec subtilité le parallèle entre des parcours de vie – celui des migrants, le sien peut-être – et la renouée mal-aimée. Néophyte, naturalisation, espèce invasive, sont comme autant exemples d’une terminologie botanique qui se confond parfois avec un certain discours politique. L’art devient dès lors une autre voie, ouvre la possibilité de retourner le stigmate, de faire de l’odyssée de la renouée une ode aux mal-aimés.
Artist statement
Les thèmes principaux qui guident ma pratique pluridisciplinaire sont l’écologie queer, le colonialisme et l’idée du « foyer » J’aborde l’intersection de ces préoccupations à travers le prisme des sciences naturelles, notamment la botanique, et mes médiums dominants sont le dessin et l’aquarelle, suivis de la sculpture et de la vidéo.
Les œuvres sur papier jouent un rôle fondamental dans ma démarche et influencent mes interventions sculpturales. Je considère le dessin comme un langage presque parfait et un outil très puissant pour transmettre à la fois la force et la vulnérabilité de la nature.
Mon enthousiasme pour l’étude des plantes et des sols, ainsi que la proposition du « témoignage non humain », m’encouragent à déconstruire davantage les formats d’investigation traditionnels et à remettre en question la diffusion hiérarchique des connaissances au sein des institutions d’histoire naturelle qui définissent ce que nous appelons la nature sauvage.
Ces concepts liés au discours scientifique ont été consolidés dans ma pratique lors de ma résidence au CJBG (Conservatoire et Jardin Botaniques de Genève). Pendant ma résidence de deux mois, j’ai pu explorer l’herbier et la bibliothèque me permettant ainsi d’étudier des documents extraordinaires tels que l’Hortus Malabaricus, un ouvrage précieux en douze volumes décrivant la végétation de la côte du Malabar (Inde); dont une des gravures est utilisée comme Typus (échantillon de référence qui sert à la description d’une espèce) pour l’identification d’un palmier dans le catalogue de l’herbier.
En parcourant le jardin, j’ai pu examiner comment les herbes dites « mauvaises » et les plantes considérées comme précieuses cohabitent dans l’enceinte du jardin. J’apprécie particulièrement l’ambiguïté de cette cohabitation, qui existe malgré les efforts acharnés de l’Homme pour exercer un contrôle soigneux du jardin.
D’autre part, certains termes botaniques, en particulier, natif, néophyte et naturalisation, sont fréquemment utilisés dans les discours géopolitiques pour former un vocabulaire d’altérisation. L’une des voies de ma pratique consiste à tracer de nouveaux parallèles entre la botanique et la décolonisation, notamment entre les mauvaises herbes et les espèces ornementales introduites par le désir colonial de « l’exotique » et qui figurent désormais sur des listes noires de plantes invasives. Je m’intéresse à l’idée de la mauvaise herbe, qui renvoie toujours à ce qui peut résister aux efforts de l’Homme pour contrôler la nature.
Ayant vécu à Genève depuis mon arrivée en 1980 et nourrissant un profond amour pour le lac, j’étudie de près la flore et la faune du Lac Léman et du Rhône. Ma curiosité a été éveillée par une rencontre étroite avec un Silure en nageant dans le Rhône l’été dernier. Ceci m’a incité à documenter à travers le dessin, les poissons qui habitent le lac, ceux qui suscitent le désir gustatif tels que la Perche ainsi que ceux qui provoquent la peur tels que le Brochet ou le Silure. Ma pratique vise à subvertir et désarmer les fausses dichotomies auxquelles nous avons été conditionnés, en questionnant les considérations humaines de la nature et en mettant l’accent sur la vie, la mort, les marginaux, les invisibles, les mal-aimés et les oubliés.
Apnavi Makanji
2023
- PSYCHOPOMP, Tarq, Mumbai
2019
- Soil as Witness | Memory as Wound, Tarq, Mumbai
2016
- Travails of the Wandering MemorySeed, Galerie Felix Frachon, Brussels
2011
- Dog Eared pop up library, Matthieu Foss Gallery, Mumbai
2010
- Domus Vulgus, Art Asia Miami (with support from The Guild NY), Miami
- Domus Vulgus, The Guild, NY
2006
- Run While You Can, Chatterjee and Lal/Jehangir Nicholson Gallery NCPA, Mumbai
2022
- CLAUSTROPHOBIA ALPINA II – Subliminal Illuminations & the Shadows of Flight, curated by Varun Kumar, Forde, Geneva
- NATURE YOU ARE, in collaboration with Solange Schifferdecker and the Centre d’Art Contemporain Yverdon, Theatre Benno Besson, Yverdon-les-Bains
- HEAT, Espace Labo, Geneva
2021
- (ME)(MORY), curated by Dipti Anand, Vadehra Art Gallery, New Delhi
2020
- I LOVE #ArtistesDici, (collectif STABXMAKANJI) public intervention facilitated by the Fonds Municipal d’Art Contemporain, Geneva
2019
- Narrow Road to the Interior, Vadehra Art Gallery, New Delhi
2018
- Remembering the Present, Vadehra Art Gallery, New Delhi
2017
- Season 1: Frontiers, Galerie Felix Frachon, Brussels
2014
- Raving Disco Dolly on a Rock ‘n’ Roll Trolley, Envoy Enterprises, NY
- Labyrinth of Hopes, curator: Anne Magnilier, W113, New Delhi
2013
- Considering Collage, Jhaveri Contemporary, Mumbai
2011
- Caution- Children at Work, curator: Gitanjali Dang, Mumbai Art Room, Mumbai
2010/2011
- I think… Therefore Graffiti, The Guild, Mumbai
2009
- Domestic Policy, South Asian Women’s Creative Collective, The Guild, NY
2020
- Dhaka Art Summit | Seismic Movements, Chief Curator: Diana Campbell, Dhaka Bangladesh